Hier la proposition de Loi déposée par Jean-Marc Ayrault relative au respect du pluralisme dans les médias audiovisuels et prenant en compte le temps de parole du Président de la République a été rejetée 111 voix contre 57. Le compte-rendu intégral des débats est assez drôle à lire et devrait intéresser Eric.
En préambule, Patrick BLOCHE a fait la comparaison des temps de paroles de Sarkozy avec ceux de ses prédecesseurs. Le constat est assez incroyable (on s'en doutait mais avec les chiffres, c'est plus éloquent !) :
« Il ressort des données publiques du CSA que la part du temps de parole du Président de la République entre 1989 et 2005 était en moyenne de 7 % du temps global des interventions politiques.
J'ai effectué les calculs sur la base des données du CSA pour le second semestre de 2007, soit sur une période suffisamment longue. Le Président de la République a disposé de 13,3 % du temps de parole politique dans les journaux télévisés, les magazines d'information et les programmes de divertissement – ce chiffre s’élèvant à 15 % si l’on prend en compte les interventions de ses collaborateurs. Cette proportion atteint même 21,4 %, et 23 % avec les interventions de ses collaborateurs, si l'on ne prend en compte que les seuls journaux télévisés. Nous sommes passés du simple au double ! »
Christine ALBANEL est bien sûr contre et rappelle « qu'une réforme institutionnelle de première importance est, depuis mardi, en cours d’examen, qui vise à mieux équilibrer les pouvoirs et notamment à renforcer ceux du Parlement. C’est de cette façon que nous ferons progresser la force du débat démocratique plutôt qu’en cherchant à encadrer la parole du Président de la République, au risque de dénaturer les institutions. » Elle doit ronger son frein pour ne pas parler des 17 ! Ca lui permettrait de finir de se foutre de la gueule des députés SRC après leur avoir fait comprendre que lorsque le Président de la République s'exprime à la télé c'est avant tout pour des occasions vraiment importantes et très rarement par partisanisme ! (« Lorsque le Président de la République, au nom de la France, reçoit l’un de ses homologues à l’étranger, lorsqu’il se rend sur les lieux d’une catastrophe pour témoigner du soutien de la Nation aux victimes, lorsqu’il présente ses vœux aux Français, lorsqu’il porte la voix de la France dans un sommet international,…
...lorsqu’il honore la mémoire, le 11 novembre ou le 8 mai, des combattants et des résistants, toutes ces prises de parole devraient-elles nécessairement ouvrir à l’opposition un droit de réplique immédiat et équivalent ? Et quelle voix devrait porter cette réplique ? »)
Puis arrive Karoutchi ! Le trancheur de gorges de l'Assemblée Nationale :
« M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.
M. Bruno Le Roux À qui va-t-il vouloir trancher la gorge ?
M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Ne soyez pas si impatient ! (Sourires.) »
Pour lui cette proposition de Loi est nulle et non avenue car « Le Président est inclassable ! Il est au-delà des camps, au-delà des clans ! » !
Arrive enfin le débat, quelques extraits pour la bonne bouche :
« M. DIDIER MATHUS : Ces temps sont révolus (économie du temps de parole du Président et dignité de la fonction). L’actuel Président a délibérément choisi l’hyper-exposition, appliquant une stratégie de saturation de l’espace médiatique. Quant à la dignité de la fonction, elle s’est abîmée quelque part entre Le Guilvinec et Disneyland ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – Murmures sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) »
« M. DIDIER MATHUS : Mais le plus surprenant aurait sûrement été que le CSA assume les prérogatives que lui a confiées la loi. Toutes les arguties lui ont été bonnes pour se défausser de sa responsabilité. Faut-il s’en étonner lorsque l’on constate ce paradoxe, assez comique, à vrai dire : l’instance chargée de veiller au pluralisme est elle-même strictement monolithique, puisque composée exclusivement de membres désignés par des personnalités de l’UMP. De tous les pays ayant mis en place des instances de régulation, le nôtre est le seul à s’être mis dans cette situation assez ridicule ! En confiant, qui plus est, la présidence de cette instance à un ancien directeur de cabinet du Premier ministre issu de l’actuelle majorité, nous étions sûrs de ruiner définitivement toute velléité d’indépendance. Heureusement, le Comité Balladur – qui n’était pourtant pas un repère de gauchistes (Sourires) –…
…s’est lui-même saisi de cette question en soulignant l’iniquité de la situation actuelle. Dans sa volonté de modernisation et de rééquilibrage du fonctionnement des institutions, le Comité a formulé une proposition n° 13 relative au temps de parole du Président de la République, considérant qu’il y avait aujourd’hui une anomalie. C’est ainsi qu’il recommande que « dans la répartition des temps de parole dans les médias audiovisuels à laquelle le Conseil supérieur de l’audiovisuel est chargé de veiller, les interventions du Président de la République soient comptabilisées avec celles du Gouvernement »
L'UMP essaie de nous faire pleurer sur la position de victime de Sarkozy :
« M. RIESTER : Pour se convaincre du contraire, il suffit d’ouvrir la radio ou d’allumer la télévision. Chaque jour, un flot quasi ininterrompu de critiques et d’attaques sont formulées en permanence à l’encontre du Président de la République et de sa majorité. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) »
en remet une couche sur les 17 et sur l'ambiance au P.S. :
« Mes chers collègues, je ne saurais trop conseiller aux membres du groupe socialiste de se remettre en question plutôt que de s’en prendre constamment au Président de la République. Vous vous plaignez sans cesse d’être inaudibles, mais c’est à vous d’abandonner vos querelles internes et de proposer enfin un projet constructif, réaliste et ambitieux pour les Français !
Le projet de révision constitutionnelle représente une belle et grande opportunité de faire avancer le pluralisme. Mes chers collègues socialistes, n’ayez pas peur d’être constructifs, soyez libres, responsables et non partisans. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Le renforcement du Parlement et des droits des citoyens ne saurait être de droite ni de gauche. Je salue d’ailleurs certains d’entre vous, qui participent pleinement à cette réforme, notamment en en appelant à la responsabilité du PS et de ses élus ! »
Je vous invite à lire la suite, et surtout l'arrivée de Francis LEFEBVRE à la tribune qui apparemment n'a pas assisté au début de débats :
« M. le président. Sur le passage à la discussion de l’article unique, je suis saisi, par le groupe socialiste radical, citoyen et divers gauche, d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Dans la suite des explications de vote sur le passage à la discussion de l’article unique, la parole est à M. Frédéric Lefebvre, pour le groupe UMP.
Jean LAUNAY La voix de son maître ! »
Mais bon, voilà, le projet de Loi n'est pas passé ! Le temps de paroles du Président de la République ne sera toujours pas décompté avec celui du gouvernement !