dimanche 25 janvier 2009

Dans lequel un premier drame se dessine


Pierrot est chez son oncle et sa tante pour échapper aux bombardements sur Brest. Il a malencontreusement laissé s'échapper le cochon familial ce qui a provoqué la colère de sa tante. Celle-ci l'a menacé de « l'envoyer à la Dame Blanche ».Le soir, alors qu'ils rentrent à la maison, l'oncle accepte de raconter.
« C'était il y a donc bien longtemps... A c'te époque la conserverie Pierre, dans laquelle travaille ta tante, n'existait pas encore. Du coup les gens de Plouhinec n'avaient que la pêche dans la baie pour essayer de survivre. Survivre c'est le mot, parce que leur bateaux étaient beaucoup moins gros que ceusses de maintenant. Il fallait du courage pour sortir de la baie, enfin encore plus que maintenant... Parce que la barre c'est pas de la gnognotte à passer laisse moi te dire. Enfin, bref, j'vais pas te laisser comme ça à te ronger le sang, voilà ce que moi on m'a raconté sur cette satanée donzelle :
De tous temps, les côtes par ici ont été dangereuses. Lorsque le vent commence à souffler, il n'est pas rare qu'un navire soit drossé vers les falaises. Et les gens de par ici l'avaient remarqué. Alors, de temps jadis, l'hiver, quand les nuits étaient bien noires et que le vent se levait, certains accrochaient des lanternes sur les cornes de leur vache et les emmenaient se dégourdir sur le chemin des douaniers.
- Oh ils ne pensaient pas vraiment à mal... Ils vivaient juste dans une grande misère... Il fallait bien... enfin bref !
Pierrot regardait son oncle avec incrédulité. À quoi pouvait donc bien servir de promener sa vache en plein nuit avec une lanterne sur la tête. Surtout en hiver, alors qu'il devait faire un temps d'chien... Puis il comprit peu à peu où son oncle voulait en venir et en fermant es yeux il vit peu à peu la scène se dessiner devant lui.
La vache déambulait donc en haut de la falaise. Les hommes, les femmes et les enfants du village étaient au pied de celle-ci, scrutant l'horizon. Tout à coup une clameur monta de la petite troupe : « Là-bas ! Là-bas ! ».
Les feux d'un bateau venaient d'apparaître au loin. Vu la rapidité avec laquelle ils apparaissaient puis disparaissaient, on pouvait deviner que la mer était démontée au large. Sur la grève, les gaffes et les cordages sont serrés de plus en plus fort par leur propriétaire. D'ici une demi-heure tout au plus, il sera là. Il faudra être le plus rapide pour monter à bord, ou s'il ne se présente pas bien essayer de trouver une entrée.
Tandis que toutes et tous regardent le bateau lutter et continuer à s'approcher, là-haut, le vacher, maintenant sûr que le navire est pris dans le courant, souffle sur la flamme de sa lanterne, attache sa vache et commence à descendre à son tour vers la grève. Il ne voudrait pas être le dernier servi.
L'attente semble interminable, le bateau, d'abord point lumineux à l'entrée de la baie, se révèle être un deux mats, lourdement chargé au vu de sa ligne de flottaison. Le vent continue de souffler, les embruns glacés et la luis se mêlent pour tenter de faire fuir les naufrageurs mais ceux-ci restent. L'excitation commence à monter lorsque la lune, entre deux nuages réussit à éclairer suffisamment pour qu'un pavillon hollandais soit reconnaissable. Au moins n'auraient ils pas fait périr des frankiz cette fois, les gendarmes d'Audierne n'auraient pas apprécié et auraient encore remué ciel et terre pour trouver un coupable. Mais là se disaient-ils, des Hollandais, qui s'en soucierait ? En plus si c'était vraiment un vaisseau hollandais, il devait revenir d'Afrique pour passer par là. Alors qui sait quels trésors il pouvait contenir.
Le navire arriva enfin à la côte. Le choc fut si violent que des marins furent projetés sur les rochers. Passé le bruit de cet échouage, quelques râles furent entendus. Puis ils se turent, ou furent recouverts par le bruit des vagues qui se brisaient avec toujours autant de violence. Les naufrageurs attendirent qu'elles n'eurent plus la force de pousser plus haut le bateau pour se précipiter vers celui-ci. Ils couraient le plus vite que leur permettaient leurs sabots sur ces rochers glissants. Il fallait être dans les premiers pour être sûrs d'être bien servis.
Trois hommes se détachèrent rapidement de la foule. Ils doublaient les groupes d'enfant et de femmes occupés à glaner ce qui avait été projeté lors du naufrage. Les enfants étaient les plus excités ! Ils venaient de trouver des oranges ! Ils commençaient à croquer dedans, le sucre se mélangeait au sel des embruns dans leur bouche, rendant chaque croquée encore plus délicieuse. Les femmes, quant à elles, riaient de voir les enfants si joyeux. Elles remplissaient leurs sacs d'oranges mais aussi de bouts de gréément ou d'autres débris ramenés par la mer en furie.
Les autres hommes criaient en tentant de rattraper nos trois gars, mais ceux-ci étaient déjà arrivés au pied du navire. Ils se retournèrent en souriant vers leurs voisins encore à mi-chemin. Et commencèrent à escalader la coque.

8 commentaires:

  1. Brrr, je ne sais pas pourquoi mais j'ai la trouille !

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  2. Quand tu ne mets pas trop de liens, on se rend compte que ce sont de véritables histoires que tu nous racontes !

    C'est de situer l'époque qui est un peu difficile. Ce qui donne du charme.

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  3. Belle illustration en tout cas!

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  4. J'attends la suite avec impatience... quoique je la subodore un peu.

    Mais mazette ! quel talent de conteur... Cela me fait penser à un roman d'Elizabeth Goudge... Est-ce "L'auberge à la Jamaïque" ? où il y a des naufrageurs du même genre.

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  5. @Zoridae ça fout l'jetons hien ?

    @mtislav oh ça doit intemporel comme histoire, l'activité de naufrageurs dans cette zone est ancienne (c'est habité depuis 460 000 ans

    @Ferocias merci

    @kamizole merci beaucoup (tout rouge je suis)

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  6. Bonjour et merci pour ta visite "chez moi". En plus je viens de me découvrir dans ta blog-roll !!! (ça alors!). Je ne suis pas fan des abonnements mais j'ai un netvibes ;) : je rajoute ton lien illico. A bientôt.

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  7. C'est vraiment bon, Gaël. C'est un plaisir de te voir dans ce registre !

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  8. @Maxie oups désolé de mon retard dans ma réponse ! merci Balmeyer, en espérant que tu repasses de temps en temps

    @balmeyer merci beaucoup, ça m'touche, si si

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