mercredi 5 novembre 2008

Souvenirs


Le vent souffle, c’est la tempête dehors ! Les grands sapins se couchent presqu’à terre tant ils se plient sous la bourrasque ! Du haut de mes petites jambes de 4 ans j’ai du mal à voir par la fenêtre. Tout ce que je vois ce sont les cimes des grands sapins qui se touchent, se caressent, s’enlacent pour se soutenir sous les efforts colossaux du vent pour les faire tomber à terre.


Je ne suis pas rassuré… J’avais pourtant mis mes bottes pour sortir. Maman m’avait dit de les chausser pour ne pas mouiller mes baskets. Mais c’était avant que la bruine ne se transforme en un ciel noir, nous obligeant à allumer la lumière en plein après-midi, zébré d’éclairs et sifflant entre les ardoises du chalet.


Je n’ai plus du tout envie de sortir. Je dois même avouer que la seule vue de ce qu’il se passe à l’extérieur, cette bataille entre le ciel et les sapins plus grands que la maison me paraît digne du dernier épisode de Goldorak que j’ai regardé avant de partir en vacances à la montagne… Celui où les golgoths envahissaient la terre. Ça commençait comme ça : une nuit noire en plein jour, un vent terrible qui faisait se plier d’effroi les arbres, les lampadaires et même les immeubles, et puis, tout à coup l’arrivée des vaisseaux destructeurs ! Maman m’avait bien dit que ce n’était que des histoires mais quand même… Elle avait même fini par me menacer de ne plus me laisser mon héros à la télé si je faisais encore un cauchemar (on en était au 4ème de la nuit et je sentais bien que la fatigue se faisait sentir chez mes parents) !


Je continue à regarder par la fenêtre la cime des sapins. Ils continuent à danser, ou plutôt à se serrer les uns contre les autres pour se protéger. Un plus jeune tente de prendre la tangente mais il est vite rattrapé par les branches du « Majestueux », le grand sapin au pied duquel j’aime bien m’asseoir avec maman quand elle a fini de s’occuper de la cuisine. On s’assoit là tranquillement, sous les rayons diffus du soleil qui ont été tamisés dans leur pérégrination entre les épines. Pendant qu’elle déguste son café, une main dans mes cheveux, les moyens partent à l’aventure avec leur monos. Des fois j’ai le droit de les accompagner, mais des fois ils vont trop loin et je préfère rester là, dans la mousse toute douce entre les racines.


Mais là le « Majestueux » n’est plus mon havre de paix. Il ploie sous le vent, sa cime touchant presque ses racines, comme moi ma tête passe entre mes jambes quand je m’amuse à regarder derrière en me pliant. Il essaie aussi de retenir dans ses branches les plus téméraires ou les plus faibles de sa tribu qui se laissent emporter.


Je tremble lorsque mon père pose sa main sur mon épaule. « Tu es sûr que tu ne veux pas aller faire de la peinture avec les moyens, en bas ? Tu peux tu sais… ». Mais non j’ai pas trop envie, je les entends bien rigoler et chahuter, mais ce vent me semble trop inquiétant pour pouvoir dessiner. Et puis dessiner quoi d’abord ? La pluie a transformé les vitres en cartes de France avec des rivières qui coulent, se croisent, se séparent… On ne voit plus dehors, on devine juste les ombres des sapins.


« Bon allez monte sur mes genoux je vais te montrer quelque chose. ». Un sourire béat au milieu de la figure je me blottis dans ses bras, hume l’odeur de l’amsterdamer qui s’échappe de son pull et regarde le bout de son doigt tendu vers les cimes danseuses.



« Tu as vu ?

- Quoi ?
- Là, l’écureuil !
- Hein ? où ça ?
- Là il vient de passer du grand sapin vers le moyen à droite là !
- Ah oui !

Je dois avouer, que je ne me rappelle plus si j’ai vu un écureuil ce jour-là, ni ce que mon papa m’a raconté pendant que la tempête se calme, je n’ai que quelques bribes parlant d’une famille écureuil, les petits cachés avec leur maman, le papa courant de branche en branche pour récupérer le linge qui séchait et qui s’est envolé, …Toujours est-il que quand j’ai reposé mes pieds toujours chaussés de bottes sur le sol du réfectoire, les sapins étaient immobiles, il traînait dans l’air une odeur de terre mouillée commençant déjà à sécher sous le soleil qui avait remontré le bout de son nez, et les cris des moyens montaient de la cage d’escalier, la porte allait bientôt s’ouvrir pour laisser passer les enfants affamés par l’activité peinture et réclamant leur goûter.



Pourquoi je vous raconte ça ? J’en sais rien, peut-être que le billet d’Eric de Mulhouse m’a plus ému que je ne le pensais et qu’il a fait ressortir cette histoire d’écureuil dans la tempête, écureuil qui vient peut-être de là allez savoir, c’est curieux le cerveau des fois…



Source de l’image


13 commentaires:

  1. j'ai un ami chasseur, qui n'a pas honte de montrer des bambi à son bambin, alors qu'il les bute ensuite...

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  2. mais c'est donc, aussi, un blog littéraire !

    c'est la première fois ou bien je ne te lis pas assez ?

    j'aime ce texte en tout cas.

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  3. ema, mon papa n'a jamais tué aucun écureuil ! merci de votre visite et commentaire

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  4. dedalus j'essaie un peu de temps en temps, merci

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  5. C'est beau ! On les voit, les sapins, les cimes, l'écureuil... On se voit tout petit... Et le papa qui ramasse le linge, hihiii...
    Et d'où vient le dessin qui illustre ce beau billet ?

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  6. Tu fais dans le littéraire, maintenant ? Tu veux ravir TOUS les classements Wikio ?

    (je te lis plus tard !)

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  7. Il fusionne avec l'écureuil. C'est une histoire qui va devenir très populaire. Je pense que c'est une chronique économique mais avec du coeur.

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  8. elle est jolie cette balade.

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  9. "Pendant qu’elle déguste son café, une main dans mes cheveux,"

    "Bon allez monte sur mes genoux je vais te montrer quelque chose"

    Y'a un classement Wikio de la lecture érotique ?

    N.B. : joli texte !

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  10. @Marie-Georges le dessin n'est pas de moi... merci

    @Nicolas comme tu gardes le politique jalousement j'essaie de me diversifier :)

    @mtislav ah si seulement

    @peuples merci

    @Nicolas tiens c'est pas bête je vais demander à Mlle Agnès la création de ce classement

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  11. Bravo Gaël ! Beau billet. (l'écurueil, s'il avait été saoul, tu crois qu'il se serait vautré ? :)

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  12. Merci Bal, je suis trés content que ça t'ait plu (il se serait vautré et on l'aurait retrouvé emmêlé dans les soutiens-gorges de sa douce !)

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  13. Quel beau billet, oui !
    J'adore la description de la tempête, du tout petit Gaël terrifié... Génial !

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